Pour ceux qui aurait loupé un épisode (voir Airlie Beach et Cairns), nous avions harcelé sans répit l’agence Work & Travel Compagny afin d’obtenir ce job dans la cueillette de mangue. Tout ce que nous savions alors était la date de départ (27 octobre depuis Darwin) et que nous serions au minimum 40 backpackers. Une navette est donc passée nous prendre, nous, nos énormes sacs, de la nourriture pour survivre une semaine (qui ne tiendrait que 4 jours) et une douzaine de jeunes de tous pays.
Une petite heure plus tard, nous étions accueillis par Kevin et
Maurine, nos futurs grand-parents d’adoption, chefs suprêmes et
incontestables des accommodations : ceux qui choisissent ta
chambre, la nettoie quand tu pars, plient le linge que tu l' as oublié dans la machine, te demande comment tu vas et connaissent le
prénom de tous les jeunes, mais aussi ceux qui viennent te réveiller
quand tu n’es pas allé travaillé, qui (alors que tu déjeunes
tranquillement) te demandent qui a oublié son lait sur la table, qui
rentrent dans ta chambre pour vérifier que la clim est bien éteinte…
Puis nous avons été réunis (40 jeunes, ça faisait un peu
colonie de vacances) pour un petit cours d’économie de la mangue,
dispensé par Martina, la manager de la ferme, et avons rempli tous les papiers nécessaires avant de découvrir
les accommodations et une très bonne surprise pour nous.
Un lieu de vie très agréable
« The accommodations » étaient composés de plusieurs
blocs préfabriqués, et remplis de chambres de 2 et de 4, d’un
grand bloc sanitaire style camping**** (avec douches, toilettes et
machines à laver),d’un espace télé-canapés-tables-chaises, d’un
coin fumeurs et de 3 cuisines dont deux en extérieur. Nous
partagions un grand frigo à 4, et avions même un congélateur. Vous
devez sûrement rire derrière votre écran, de voir à quel point
nous nous émerveillons pour un rien, mais après deux mois de
vadrouille, on apprécie les choses simples !
Nous avions une chambre rien que pour nous deux avec un bureau, un
lit superposé et une armoire bref, le grand luxe.
Le seul problème était que nous étions isolés, et la première
ville était à 20 minutes de route. N’ayant pas de voitures, nous
devions constamment nous greffer à un groupe de jeunes en partance
pour la ville afin de nous ravitailler, et ce seulement une fois par
semaine. Autant vous dire qu’il fallait bien gérer les quantités
de bouffe à acheter.
Des rencontres inoubliables
Le souvenir le plus important que nous garderons de cette
expérience est incontestablement les rencontres que nous y avons
faites. Finlandais, suédois, anglais, allemands, français,
italiens, australiens, norvégiens, belges, hollandais, danois,
chinois, japonais, taïwanais : un joyeux mélange de cultures
et d’intonations ! Notre niveau d’anglais s’en est vu
encore amélioré, et nous nous sommes enrichis des récits de
voyages de tous ces jeunes ayant quittés leur douillette maison pour
connaitre enfin le goût de l’aventure, tout comme nous. Baptiste
en a même profité pour revoir les quelques bases en allemand
apprises au lycée il y a de cela quelques années.
Et c’est ainsi que de simples moments de la vie quotidienne se
transforment en discussions passionnées dans la cuisine lorsque tout
le monde attend que les pâtes soient cuites, ou bien lorsque tu mets
ton linge à laver, ou que tu sors de la douche. Des moments
magiques, et dont on se souviendra toujours… !
La remise en cause de nos principes fondamentaux en droit du
travail
Sous ce titre digne d’un
commentaire d’arrêt, je vais essayer de comprendre la logique du
droit du travail australien. Notre précédente expérience s’était
soldée par le (gentil) licenciement de la ferme du Queensland à
cause de la pluie, qui avait augmenté le prix de la viande bovine et
poussé nos patronnes à vendre le troupeau que nous avions à charge
de nourrir.
Dans cette ferme de cueillette de mangues, nous avons retrouvé
cette absence de distinction entre vie privée (voire intime, ils ont
la clé de notre chambre et y entrent sans état d’âme) et vie
professionnelle. Cela comporte des avantages, comme celui de ne
jamais louper une journée de travail car le contremaître vient vous
réveiller en cas de panne de réveil/flemme/42°C de fièvre. Et des
inconvénients : si la cuisine est trop sale, 50$ sont retirés
sur le salaire de chacun.
Nous avons aussi l’impression que certains concepts marchent à
l’envers.
La sécurité de l’emploi n'existe pas car, si l’employeur
peut faire changer de poste ou licencier n’importe quel employé
n’importe quand, ce dernier ne peut imposer un départ à son
employeur sans préavis (et encore ça reste mal vu de ne pas
terminer la saison).
Les accidents du travail (y compris le fait d’attraper le
mango rush, maladie transmise par la mangue) sont à la charge de
l’employé mais aller voir le médecin (l’équivalent de 50€ la
consultation, sans compter le trajet) est obligatoire si l’on ne
peut aller travailler (et l’on n’est bien sur pas payé dans ce
cas).
Et enfin nous devons être à la disposition de la ferme à toute
heure, et parfois nous devons attendre devant l’usine de paquetage
durant plusieurs heures, cependant ces heures d’attente ne sont
jamais rémunérées. Nous ne connaissions jamais nos horaires de
début et de fin de journées, par contre nous devions être prêts à
être appelés à toute heure du jour et de la nuit. Un samedi, nous
avons tout de même travaillé de 6h du matin à 22h…
Autre exemple, les « packers » devant travailler à
9h30 se sont déjà fait réveiller à 6h30 du matin ( Kevin et
Maureen se font un plaisir de rentrer dans la chambre si on ne sort
pas), avec pour consigne l’obligation d’être à l’usine à
7h30 sous peine d’ être virés ! Une fois tout le monde
réveillés et quelques personnes envoyées en éclaireurs à
l’usine, nous nous sommes rendus compte qu’ils avaient faits une
erreur et nous n’avons JAMAIS obtenus d’excuses de la part de
quiconque.
Autant vous dire qu’il a été difficile pour nous de rester
très longtemps dans ces conditions…
La vie d'une mangue
Je suis née le 8 août 2014 au bout d'une tige de l'arbre n° 16,
de la rangée n°22 qui donne sur la 6 route du troisième champ de
la ferme d’Acacia Hills. J'y ai grandi et y ai vécu la majeure
partie de ma vie, mais celle-ci (ainsi que la vie de mes 47 sœurs) a
changé le jour où un fermier édenté est venu nous voir, et a
appliquer un point de peinture rose sur le tronc de l'arbre n°16.
Deux jours plus tard une énorme machine bleue produisant des jets
d'eau savonneuse et beaucoup de bruit est arrivée. Une demi-douzaine
d'humains couraient autour, se déplaçant parmi les arbres tandis
que l'un d'eux, perché sur la machine, hurlait « Forward !! »
à chaque fois que cette dernière se rapprochait de moi.
C'est ce qui a déclenché le début du cauchemar, toutes mes
sœurs et mes cousines des arbres voisins étaient retournées la
tête en bas, arrachées à leurs tiges et jetées sur la machine.
Elles glissaient sur une plate forme bleue, et tombaient dans un trou
placé au centre. J'étais placé en haut de l'arbre, et trop haut
pour que l'un des humains puisse m’attraper, mais c'était sans
compter leurs armes redoutables...
L'un d'eux se munit d'une longue lance hérissée d'une pince dont
il plaça les serres autour de la tige qui me retenait. Je fus alors
soulevée de mon arbre, et j'eus à la peine le temps de voir le sol
se déplacer sous moi avant d'être laché sur la plate-forme, et de
glisser dans le trou.
Je tombais dans une sorte de couloir remplie de la même eau
savonneuse, je me remettais tout juste de mes émotions et retrouvais
mes sœurs d'infortune lorsque je me rendis compte que nous nous
déplacions ! Au fond de l'eau se trouvait une sorte de tapis
roulant qui nous emmené lentement mais sûrement vers l'air libre !
Arrivée en haut, je reconnus l'humain qui hurlait « Forward !! »
un peu plus tôt, il nous observait toutes de manière presque
indécente, nous retournant sur nous mêmes comme si il cherchait
quelque chose. Lorsqu'il me vit, il m'attrapa d'une main, me retourna
et, de l'autre main, m'arracha de ma tige qui était loyalement
restée accrochée. Je senti ma sève goutter lorsqu'il me projeta à
nouveau dans la machine, et que je refis ce même parcours. Lorsque
je repassa devant l'homme hurleur, il fit comme si il ne m'avait
jamais vue et me laissa poursuivre mon chemin jusqu'à une grande
caisse en plastique où d'autres mangues s'entassaient déjà :
la BIN.
Après quelques minutes, un tracteur vient récupérer la bn dans
laquelle j'avais échoué pour me déposer à l'usine, d'où je serai
une nouvelle fois néttoyée, séchée, triée, et empaquetée dans
des cartons. Ces cartons seront ensuite stockées dans la chambre
froide, en attendant l'arrivée des camions, qui nous distribuerons
dans tous les centres commerciaux du pays. Notre périple se
finira... dans votre assiette !
Un départ précipité
Nous avons décidé de quitter la ferme, au bout de 4 longues
semaines de dur labeur. Nous sommes donc partis, épuisés et malades
(nous avons tous les deux attrapé le mango rush), avec notre
salaire en poche, direction Darwin la ville la plus proche, avec pour
but de trouver du travail rapidement.
Malheureusement, la saison humide est arrivée en même temps, et
le travail s'est fat rare. Au bout de quelques jours =, plusieurs
opportunités se sont offertes à nous.
Baptiste a trouvé du travail dans une ferme à 2h de route de
Darwin, et ce pour deux mois. Eléa a eu la chance de trouver un bon
job également, mais sur Sydney ! Une amie d' Eléa, au pair à
Sydney et de retour en France pour un mois, lui a proposé de prendre
sa place pour le mois de décembre, ce qu' elle a accepté avec
plaisir.
Après une semaine de vacances à Darwin, et un repos bien mérité,
Eléa a pris l'avion direction Sydney, et Baptiste est resté à
Darwin en attendant des nouvelles de ses futurs employeurs qui
devaient venir le chercher quelques jours plus tard.
Finalement, Baptiste n'a commencé à travailler que dix jours
après ! Il est donc resté à Darwin, en vacances peut on
dire !
Triste chose que de devoir nous séparer pour deux mois, mais nous
serons heureux ensuite de nous retrouver et de partir vadrouiller en
amoureux, alors on serre les fesses !
Heureusement, Baptiste aura une semaine de congé à Noël pour
venir le fêter à Sydney avec sa chérie.
La suite de nos deux aventures dans le prochain article, c'est
promis.
On vous embrasse tous, et on pense fort à vous en ces temps de
fêtes...
Cheeers,
E&B
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