jeudi 18 décembre 2014

Acacia Hill Farm : un mois dans une ferme de mangues



Pour ceux qui aurait loupé un épisode (voir Airlie Beach et Cairns), nous avions harcelé sans répit l’agence Work & Travel Compagny afin d’obtenir ce job dans la cueillette de mangue. Tout ce que nous savions alors était la date de départ (27 octobre depuis Darwin) et que nous serions au minimum 40 backpackers. Une navette est donc passée nous prendre, nous, nos énormes sacs, de la nourriture pour survivre une semaine (qui ne tiendrait que 4 jours) et une douzaine de jeunes de tous pays.

Une petite heure plus tard, nous étions accueillis par Kevin et Maurine, nos futurs grand-parents d’adoption, chefs suprêmes et incontestables des accommodations : ceux qui choisissent ta chambre, la nettoie quand tu pars, plient le linge que tu l' as oublié dans la machine, te demande comment tu vas et connaissent le prénom de tous les jeunes, mais aussi ceux qui viennent te réveiller quand tu n’es pas allé travaillé, qui (alors que tu déjeunes tranquillement) te demandent qui a oublié son lait sur la table, qui rentrent dans ta chambre pour vérifier que la clim est bien éteinte…

Puis nous avons été réunis (40 jeunes, ça faisait un peu colonie de vacances) pour un petit cours d’économie de la mangue, dispensé par Martina, la manager de la ferme, et avons rempli tous les papiers nécessaires avant de découvrir les accommodations et une très bonne surprise pour nous.

Un lieu de vie très agréable

« The accommodations » étaient composés de plusieurs blocs préfabriqués, et remplis de chambres de 2 et de 4, d’un grand bloc sanitaire style camping**** (avec douches, toilettes et machines à laver),d’un espace télé-canapés-tables-chaises, d’un coin fumeurs et de 3 cuisines dont deux en extérieur. Nous partagions un grand frigo à 4, et avions même un congélateur. Vous devez sûrement rire derrière votre écran, de voir à quel point nous nous émerveillons pour un rien, mais après deux mois de vadrouille, on apprécie les choses simples !
Nous avions une chambre rien que pour nous deux avec un bureau, un lit superposé et une armoire bref, le grand luxe.

Le seul problème était que nous étions isolés, et la première ville était à 20 minutes de route. N’ayant pas de voitures, nous devions constamment nous greffer à un groupe de jeunes en partance pour la ville afin de nous ravitailler, et ce seulement une fois par semaine. Autant vous dire qu’il fallait bien gérer les quantités de bouffe à acheter.






Des rencontres inoubliables


Le souvenir le plus important que nous garderons de cette expérience est incontestablement les rencontres que nous y avons faites. Finlandais, suédois, anglais, allemands, français, italiens, australiens, norvégiens, belges, hollandais, danois, chinois, japonais, taïwanais : un joyeux mélange de cultures et d’intonations ! Notre niveau d’anglais s’en est vu encore amélioré, et nous nous sommes enrichis des récits de voyages de tous ces jeunes ayant quittés leur douillette maison pour connaitre enfin le goût de l’aventure, tout comme nous. Baptiste en a même profité pour revoir les quelques bases en allemand apprises au lycée il y a de cela quelques années.


Et c’est ainsi que de simples moments de la vie quotidienne se transforment en discussions passionnées dans la cuisine lorsque tout le monde attend que les pâtes soient cuites, ou bien lorsque tu mets ton linge à laver, ou que tu sors de la douche. Des moments magiques, et dont on se souviendra toujours… !





La remise en cause de nos principes fondamentaux en droit du travail

Sous ce titre digne d’un commentaire d’arrêt, je vais essayer de comprendre la logique du droit du travail australien. Notre précédente expérience s’était soldée par le (gentil) licenciement de la ferme du Queensland à cause de la pluie, qui avait augmenté le prix de la viande bovine et poussé nos patronnes à vendre le troupeau que nous avions à charge de nourrir.


Dans cette ferme de cueillette de mangues, nous avons retrouvé cette absence de distinction entre vie privée (voire intime, ils ont la clé de notre chambre et y entrent sans état d’âme) et vie professionnelle. Cela comporte des avantages, comme celui de ne jamais louper une journée de travail car le contremaître vient vous réveiller en cas de panne de réveil/flemme/42°C de fièvre. Et des inconvénients : si la cuisine est trop sale, 50$ sont retirés sur le salaire de chacun.

Nous avons aussi l’impression que certains concepts marchent à l’envers.
La sécurité de l’emploi n'existe pas car, si l’employeur peut faire changer de poste ou licencier n’importe quel employé n’importe quand, ce dernier ne peut imposer un départ à son employeur sans préavis (et encore ça reste mal vu de ne pas terminer la saison).

Les accidents du travail (y compris le fait d’attraper le mango rush, maladie transmise par la mangue) sont à la charge de l’employé mais aller voir le médecin (l’équivalent de 50€ la consultation, sans compter le trajet) est obligatoire si l’on ne peut aller travailler (et l’on n’est bien sur pas payé dans ce cas).

Et enfin nous devons être à la disposition de la ferme à toute heure, et parfois nous devons attendre devant l’usine de paquetage durant plusieurs heures, cependant ces heures d’attente ne sont jamais rémunérées. Nous ne connaissions jamais nos horaires de début et de fin de journées, par contre nous devions être prêts à être appelés à toute heure du jour et de la nuit. Un samedi, nous avons tout de même travaillé de 6h du matin à 22h…

Autre exemple, les « packers » devant travailler à 9h30 se sont déjà fait réveiller à 6h30 du matin ( Kevin et Maureen se font un plaisir de rentrer dans la chambre si on ne sort pas), avec pour consigne l’obligation d’être à l’usine à 7h30 sous peine d’ être virés ! Une fois tout le monde réveillés et quelques personnes envoyées en éclaireurs à l’usine, nous nous sommes rendus compte qu’ils avaient faits une erreur et nous n’avons JAMAIS obtenus d’excuses de la part de quiconque.

Autant vous dire qu’il a été difficile pour nous de rester très longtemps dans ces conditions…

La vie d'une mangue



Je suis née le 8 août 2014 au bout d'une tige de l'arbre n° 16, de la rangée n°22 qui donne sur la 6 route du troisième champ de la ferme d’Acacia Hills. J'y ai grandi et y ai vécu la majeure partie de ma vie, mais celle-ci (ainsi que la vie de mes 47 sœurs) a changé le jour où un fermier édenté est venu nous voir, et a appliquer un point de peinture rose sur le tronc de l'arbre n°16. 





Deux jours plus tard une énorme machine bleue produisant des jets d'eau savonneuse et beaucoup de bruit est arrivée. Une demi-douzaine d'humains couraient autour, se déplaçant parmi les arbres tandis que l'un d'eux, perché sur la machine, hurlait « Forward !! » à chaque fois que cette dernière se rapprochait de moi.



C'est ce qui a déclenché le début du cauchemar, toutes mes sœurs et mes cousines des arbres voisins étaient retournées la tête en bas, arrachées à leurs tiges et jetées sur la machine. Elles glissaient sur une plate forme bleue, et tombaient dans un trou placé au centre. J'étais placé en haut de l'arbre, et trop haut pour que l'un des humains puisse m’attraper, mais c'était sans compter leurs armes redoutables...

L'un d'eux se munit d'une longue lance hérissée d'une pince dont il plaça les serres autour de la tige qui me retenait. Je fus alors soulevée de mon arbre, et j'eus à la peine le temps de voir le sol se déplacer sous moi avant d'être laché sur la plate-forme, et de glisser dans le trou.

Je tombais dans une sorte de couloir remplie de la même eau savonneuse, je me remettais tout juste de mes émotions et retrouvais mes sœurs d'infortune lorsque je me rendis compte que nous nous déplacions ! Au fond de l'eau se trouvait une sorte de tapis roulant qui nous emmené lentement mais sûrement vers l'air libre !



Arrivée en haut, je reconnus l'humain qui hurlait « Forward !! » un peu plus tôt, il nous observait toutes de manière presque indécente, nous retournant sur nous mêmes comme si il cherchait quelque chose. Lorsqu'il me vit, il m'attrapa d'une main, me retourna et, de l'autre main, m'arracha de ma tige qui était loyalement restée accrochée. Je senti ma sève goutter lorsqu'il me projeta à nouveau dans la machine, et que je refis ce même parcours. Lorsque je repassa devant l'homme hurleur, il fit comme si il ne m'avait jamais vue et me laissa poursuivre mon chemin jusqu'à une grande caisse en plastique où d'autres mangues s'entassaient déjà : la BIN.


Après quelques minutes, un tracteur vient récupérer la bn dans laquelle j'avais échoué pour me déposer à l'usine, d'où je serai une nouvelle fois néttoyée, séchée, triée, et empaquetée dans des cartons. Ces cartons seront ensuite stockées dans la chambre froide, en attendant l'arrivée des camions, qui nous distribuerons dans tous les centres commerciaux du pays. Notre périple se finira... dans votre assiette !



Et maintenant que je vous ai raconté mon histoire, voulez-vous vraiment me manger ??

Un départ précipité


Nous avons décidé de quitter la ferme, au bout de 4 longues semaines de dur labeur. Nous sommes donc partis, épuisés et malades (nous avons tous les deux attrapé le mango rush), avec notre salaire en poche, direction Darwin la ville la plus proche, avec pour but de trouver du travail rapidement.
Malheureusement, la saison humide est arrivée en même temps, et le travail s'est fat rare. Au bout de quelques jours =, plusieurs opportunités se sont offertes à nous.

Baptiste a trouvé du travail dans une ferme à 2h de route de Darwin, et ce pour deux mois. Eléa a eu la chance de trouver un bon job également, mais sur Sydney ! Une amie d' Eléa, au pair à Sydney et de retour en France pour un mois, lui a proposé de prendre sa place pour le mois de décembre, ce qu' elle a accepté avec plaisir.

Après une semaine de vacances à Darwin, et un repos bien mérité, Eléa a pris l'avion direction Sydney, et Baptiste est resté à Darwin en attendant des nouvelles de ses futurs employeurs qui devaient venir le chercher quelques jours plus tard.
Finalement, Baptiste n'a commencé à travailler que dix jours après ! Il est donc resté à Darwin, en vacances peut on dire !

Triste chose que de devoir nous séparer pour deux mois, mais nous serons heureux ensuite de nous retrouver et de partir vadrouiller en amoureux, alors on serre les fesses !

Heureusement, Baptiste aura une semaine de congé à Noël pour venir le fêter à Sydney avec sa chérie.

La suite de nos deux aventures dans le prochain article, c'est promis.


On vous embrasse tous, et on pense fort à vous en ces temps de fêtes...

Cheeers,

E&B

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